Les enfants pris au piège dans les centres de détention en Libye
De milliers de personnes quittent les régions intérieures d’Afrique et du Moyen-Orient et traversent le Sahara pour atteindre la mer Méditerranée à travers la Libye. Ils fuient la guerre, la violence et la pauvreté. Poussés par l’espoir de rallier l’Europe et de vivre une vie meilleure, ils se font exploiter, maltraiter, brutaliser et emprisonner, et meurent par milliers.
Les enfants migrants sont dans les centres de détention en Libye. Dans les centres de détention, le temps n’existe pas. Le temps, c’est toujours le même instant, fait de cages, de silence, d’obscurité et de solitude.
2016, a été la pire année pour les traversées de la mer Méditerranée : plus de 4 500 personnes ont péri noyées en tentant de traverser la mer qui sépare la Libye de l’Italie. En moyenne, 13 décès sont enregistrés chaque jour.
Des milliers de migrants sont déjà partis. Des milliers d’autres arrivent en Libye chaque jour. Nombre d’entre eux tentent de se cacher, guettant la possibilité de prendre un bateau, mais des milliers sont pris au piège dans des centres de détention.
L’économie libyenne traverse une crise profonde et l’argent liquide fait défaut. La traite des êtres humains est une activité de plus en plus lucrative et combattue. L’instabilité ronge le pays ; les milices s’affrontent ou s’attaquent aux forces gouvernementales.
Certaines parties du pays sont aux mains de milices ennemies. Elles établissent leurs propres règles, contrôlent les frontières et arrêtent les migrants pour les exploiter et confisquer tout leur argent. Il existe en Libye 24 centres de détentions gérées par le gouvernement qui abritent des migrants de tout le continent et au-delà.
Nous ne parvenons pas à nous en sortir
Le représentant du ministère de l’Intérieur qui nous accompagne dans un centre de détention en parle sans détour : « À Tripoli, il y a 13 centres de détentions illégaux, gérés par les milices armées. Nous ne pouvons même pas nous approcher de leurs territoires, car nous risquerions notre vie. »
Dans le centre de détention n° 1, 60 femmes et 20 enfants sont enfermés dans une pièce, vivant dans un espace exigu au sol jonché de dizaines de matelas posés les uns à côté des autres. Certaines femmes tentent de mener un semblant de vie normale en peignant les cheveux des filles pendant que d’autres s’occupent des bébés.
Will, âgé de 8 ans, est orphelin, ses parents sont morts, noyés en mer. « On voulait aller en Italie, on était sur un bateau », raconte-t-il. « Après un moment, le bateau a commencé à prendre l’eau et n’a pas tardé à couler. Il y avait un garçon, à qui me suis accroché durant des heures, pendant qu’il nageait vers le rivage. Il m’a sauvé la vie. Mais mon père et ma mère sont morts. »
Le long de la route qui longe la côte, de Tripoli au centre de détention n° 2, il y a plusieurs postes de contrôle. Le plus important est celui de Garabulli, une petite ville au bord de la mer et une zone stratégique depuis laquelle des milliers de migrants embarquent.
À Garabulli, les garde-côtes n’ont pas assez de ressources », nous confie Hassan, notre chauffeur. « Mais ils craignent surtout les menaces des milices qui contrôlent la traite des êtres humains. Quand les garde-côtes voient un bateau partir, ils se contentent de fermer les yeux, ils ne disent rien et font comme s’ils ne voyaient rien. »
« Mais même si les garde-côtes voulaient empêcher ce trafic, ils n’auraient pas suffisamment de bateaux de sauvetage. Lorsqu’ils le peuvent, ils récupèrent les radeaux à la dérive, parfois avec des bateaux privés », explique-t-il.
Lorsque nous arrivons au centre de détention n° 2, nous apercevons deux gardiens de prison assis à l’extérieur du bâtiment. Le secteur des hommes est verrouillé par un cadenas. Environ 40 garçons sont massés le long des barreaux en fer qui séparent le quartier des hommes de celui des femmes.
Ils nous implorent : « Vous pouvez m’aider ? S’il vous plaît, aimez-moi. Il faut que je sorte d’ici. On veut notre liberté. » Par terre, le plus jeune d’entre eux s’accroche à la grille, le regard fixé au sol. Il s’appelle Issaa. Il a 14 ans et vient du Niger. Il est seul. Nous demandons au gardien d’ouvrir les grilles.
Je veux aller à l’école, j’adore l’école
Le centre de détention n° 3 est un édifice en béton au milieu de nulle part. Les femmes sont du côté droit et les hommes, du côté gauche. Chaque quartier a un portail verrouillé d’un cadenas. Il n’y a pas d’électricité ni d’eau propre.
Selon les directeurs et les gardiens des centres de détention, le gouvernement ne procure pas de financement et ne paie pas les fournisseurs de denrées alimentaires. Souvent, les migrants n’ont rien à manger.
Le jour de notre visite, il y a environ 1 400 personnes dans le centre de détention. 250 d’entre elles sont des mineurs non accompagnés. Le directeur du centre nous accueille au portail. Dans son bureau, il nous explique l’histoire du centre, depuis l’époque de Kadhafi à l’heure actuelle.
« Les enfants sont souvent seuls. Ils parcourent plus de 2 000 km dans le désert sans leur famille, et puis, ils sont repêchés en mer sans papiers », dit-il. « De ce fait, il est difficile pour nous de connaître leur âge et leur nationalité véritables. »
« Avant 2014, nous les raccompagnions souvent à la frontière, pour les ramener dans leur pays, mais depuis la dernière guerre civile, c’est beaucoup plus difficile. Ce sont des régions dangereuses même pour nous. » Il décrit comment le centre est fréquemment sous la menace des groupes de trafiquants.
Source : Unicef.fr